Les Liaisons Dangereuses de Choderlos de Laclos

GF-Flammarion, prix moyen 5€, 440 pages (ma version n’est pas celle de l’illustration)

Les notes de l’éditeur nous mettent en garde ! L’authenticité de ce recueil n’est pas garantie, il ne s’agirait que d’un roman et bien soit prenons le comme tel ! Mais sans perdre de vu alors que ces mœurs sont peut être fidèles à la réalité du 18ème siècle !

4ème de couverture de mon édition

 » Qui pourrait ne pas frémir en songeant aux malheurs que peut causer une seule liaison dangereuse ? Et quelles peines ne s’éviterait-on point en y réfléchissant davantage ! Quelle femme ne fuirait pas au premier propos d’un séducteur ? Quelle mère pourrait, sans trembler, voir une autre personne qu’elle parler à sa fille? Mais ces réflexions tardives n’arrivent jamais qu’après l’événement; et l’une des plus importantes vérités, comme aussi peut-être des plus généralement reconnues, reste étouffée et sans usage dans le tourbillon de nos mœurs inconséquentes. « 

Résumé 

La jeune Cécile de Volanges a terminé son éducation au Couvent et revient vivre chez sa mère (Mme de Volanges) dans l’attente de son mariage. Mme de Volanges a en effet promis Cécile au Comte de Gercourt.

La Marquise de Merteuil, parente éloignée de Mme de Volanges, ne peut supporter ce fait, elle est plus qu’en mauvais termes avec le Comte et écrit donc au Vicomte de Valmont pour le presser de revenir de chez sa vieille tante (Mme de Rosemonde) afin de l’aider à « se venger » de Gercourt. La Marquise de Merteuil désire en effet que le Vicomte séduise et fasse son  » éducation  » à la jeune Cécile.

Cependant, le Vicomte de Valmont est fort occupé chez sa tante, il est sous le charme de la dévote  Présidente de Tourvel et tente de la séduire et de compromettre sa vertu.

A Paris, la jeune Cécile apprend le chant et la harpe auprès du Chevalier Danceny. De tendres sentiments amoureux vont apparaitre entre ces deux jeunes gens.

Dans l’immédiat, le Vicomte de Valmont ne peut/veut aider la Marquise de Merteuil dans ses sombres desseins (trop pris qu’il est d’éprouver la vertu de la Présidente de Tourvel). Jusqu’au jour où Cécile surprise par sa mère dans une correspondance amoureuse avec le Chevalier Danceny, ces dames vont se rendre pour quelques temps chez Mme de Rosemonde afin de séparer les jeunes amoureux. Et le Vicomte ayant appris que la Présidente de Tourvel reçoit des lettres de Mme de Volanges lui indiquant quel personnage méprisant et de peu de confiance il est sensé être (à raison sans doute), il décide d’apporter son aide à la Marquise de Merteuil.

Prétextant d’apporter son aide à Danceny et Cécile afin qu’ils puissent continuer leur correspondance ou se voir, le Vicomte entreprend la jeune Cécile…

Mon avis

Les Liaisons dangereuses est un roman épistolaire, genre littéraire que j’ai découvert avec Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates, c’est vraiment un genre que je découvre et qui me plait énormément. On a donc ici tout un échange de lettres entre les différents protagonistes. J’ai aimé cette alternance de lettres variées, sans ellipse importante de temps ou événements, ce qui fait qu’on comprend très bien la trame et l’histoire. Certaines lettres sont plus longues  (en général celles de la Marquise de Merteuil ou du Vicomte de Valmont) ou plus courtes  ce qui permet, je trouve, de rythmer la lecture. De plus, le style des lettres tantôt empruntées tantôt plus légères (moins sur la fin, et pour cause!) permet d’accentuer ce rythme et d’éviter de se lasser avec une trop grande quantité de détails ou d’événements à assimiler.

L’écriture de Laclos est fine et enlevée. Pas mal de lettres, sont extrêmement travaillées (certainement conformes au style de l’époque), avec beaucoup de figures de style, de phrases intero- négatives, qui rendent peut être certains passages plus ardus (il faut un peu plus de concentration pour bien comprendre) mais dans l’ensemble ça se lit très bien quand on a pris le rythme et l’habitude, on n’y prête plus attention. Ce type de tournures de phrase permet bien souvent de dire une chose d’une manière à ce qu’on comprenne son contraire. Cela sert beaucoup à la Marquise de Merteuil dans la finesse de ses raisonnements et pour manipuler ses intrigants !

Je connaissais l’histoire car le film de Stephen Frears est un de mes films préférés ! Maintenant que j’ai enfin lu le livre, je trouve le film très fidèle au roman. Et je suis contente d’avoir lu cet ouvrage car on a plus de détails, de précisions sur les actions et la durée des événements, cela m’a permis de redécouvrir l’histoire avec plus de profondeur notamment le passé de la Marquise de Merteuil (décrit par elle dans une de ses lettres), son veuvage, sa relation  avec Belleroche ou avec Valmont, cette histoire de maison de campagne, etc. La fin est plus complète que dans le film (ce  dernier laissait le spectateur deviner le destin des protagonistes) alors que là on apprend ce qu’il advient de Cécile de Volanges, de Danceny ou de la Marquise de Merteuil.

Je suis personnellement conquise par les personnages ! La Marquise de Merteuil est perfide, manipulatrice, comploteuse sous ces airs d’âme vertueuse et d’amie intime qui inspire confiance. Elle pousse les personnages dans le sens qui lui convient et pour son propre intérêt et se justifie avec une cohérence terrible qui fait qu’on en vient à être d’accord en général avec elle alors que non quoi ! La rudesse de la vie d’une femme à cette époque (en plus elle est noble par mariage quand même, il a moins « chanceuse » qu’elle) ne peut pas justifier tous ses comportements ! C’est clairement un personnage qu’on aime détester ! Elle manie avec justesse l’écriture et a l’art de perturber son lecteur et de lui faire comprendre les choses sans les nommer vraiment. C’est elle qui écrit les lettres les plus complexes car chaque passage est utile, est écrit pour servir ses desseins et elle confronte les gens avec leurs propres sentiments. Elle manipule les gens autour d’elle pour se venger ou pour se divertir. Elle fera du mal autour d’elle et ne s’en sortira pas à bon compte.

Ah le Viconte de Valmont, comme la Merteuil, il est à double visage! Attentionné, poli, serviable mais il est calculateur ! Et quelle arrogance! Quel orgueil ! Il sera amoureux sans le savoir et créera sa propre perte pour la Marquise qui se joue de lui. Son personnage est plus complexe qu’on pourrait le croire, car on ne sait vraiment s’il joue, s’il aime, s’il comprend lui-même ce qu’il fait par orgueil, il cherche à abuser, à se venger, mais il n’est pas vraiment maître de son destin puisqu’on le manipule. Il profite toutefois grandement des plaisirs de la vie et des situations. Il se jouera des sentiments de la Présidente de Tourvel mais ce qui était au départ un jeu, un défi, un caprice tournera à cause des habiles manipulations de la Marquise à ce que Laclos nomme si bien « une liaison dangereuse ». Dans un sens, il passe de « bourreau » à victime, car on le plaint de s’être laissé bouffé par l’orgueil et de pas avoir vu que son bonheur était acquis et qu’il aurait dû cesser d’entendre les propos de la Marquise de Merteuil.

La Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont sont deux personnages complexes, ambigus, manipulateurs/manipulés, abusant de leur rang. Ils sont des intrigants, qui jouent à se défier, qui se jouent des autres pour parvenir à leurs fins,… Seulement, les choses ne se passent pas toujours comme on les entend, anciens amants, ils finiront par se fâcher irrémédiablement. Ils apprendront que les actes ont des conséquences et qu’on ne s’en sort jamais à aussi bon compte quand l’orgueil fait place au sens commun.

Les autres personnages sont un peu moins charismatiques mais pas moins importants dans l’histoire et de fait, leurs actions et caractères sont également développés. On aime la naïveté de Cécile de Volanges et on la plaint beaucoup, on aime la jeunesse et l’empressement du Chevalier Danceny, on peut admirer le combat intérieur de la Présidente de Tourvel, femme vertueuse, dévote, qui sera corrompue, trahie et manipulée de bout en bout par Valmont (et Merteuil).

Comme, je le disais au début, la préface nous explique que ce récit est sans doute faux mais en est-il pour autant si différent des mœurs d’autrefois ? Et si Laclos avait réussi à dépeindre dans ses lettres les intrigues amoureuses, les liaisons dangereuses, la perfidie de certaines personnes, les comportements vertueux ou manipulateurs, qui furent de son époque ?

J’en reviens également au 4ème de couverture de mon édition. C’est extrait d’une lettre de Mme de Volanges à Mme de Rosemonde à la fin du roman et je crois que ce passage a vraiment bien été choisi ! « Qui pourrait ne pas frémir en songeant aux malheurs que peut causer une seule liaison dangereuse ? » Oui qui ? Dans ce roman, les malheurs sont Oh combien plus grands quand on pense que les protagonistes ne sont pas impliqués dans une (hormis Mme de Tourvel) mais dans 2 voire 3 liaisons dangereuses en même temps ! Que ce roman porte bien son nom !

J’ose le dire, j’ai vraiment adoré cette lecture, certains lettres sont vraiment belles et touchantes et dans d’autres, j’ai été impressionné de la façon dont sont amenés les trahisons, les manipulations notamment de la Marquise et du Vicomte. On n’est pas dans une lecture mielleuse ou à l’eau de rose pour autant et pourtant on a jamais autant parlé des sentiments (de tout genre) ou d’amour.

Je me relirai bien certaines lettres de temps en temps avec plaisir. C’est vraiment un coup de ❤

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Lecture commune pour le Club de Lecture Alille.com du mois de Mai

1ère lecture réalisée dans le cadre du Challenge  La littérature fait son cinéma (2e année) via le blog Kabaret Kulturel

9 réflexions sur “Les Liaisons Dangereuses de Choderlos de Laclos

  1. Greg dit :

    Bonne analyse, que je partage notamment pour ce qui est de Valmont. Mais ce qui me bluffe le plus dans ce livre ô combien sulfureux pour l’époque est qu’il y a finalement une espèce de morale… Après tout, les « méchants » ne sont-ils pas punis ? Merteuil ne perd-elle pas tout ce qui lui était le plus cher, à savoir sa réputation ?
    Et Valmont… son châtiment survient alors qu’on croit que l’amour va le sauver, qu’on le sent changer, pris à ses propres pièges… mais peut-être que la perte de la Présidente était un péché trop grand ; ou peut-être n’avait-il pas compris que son jeu avec Merteuil ne pouvait être interrompu sans conséquence ? Comment pouvait-il croire qu’elle accepterait d’être abandonnée par le seul être qui la distrayait, qui semblait, sinon son égal, du moins du même acabit qu’elle ?
    Quel intérêt à ce jeu, non pas de société mais de la société, s’il n’est plus personne pour applaudir vos exploits ?
    Alors que Merteuil s’y enfonçait toujours plus profond, Valmont, lui, voulut le quitter pour sa perte… ou son salut.

    À noter aussi l’adaptation moderne « Sex Intentions », très réussie à mon goût et bien moins simpliste qu’il y paraît…

    • Oui je suis d’accord avec toi, ils ont payait le prix de leur orgueil !!! Oui je ne l’ai pas noté mais ça a du faire un sacré tollé à sa sortie, je le vois bien circuler sous le manteau !
      Pour l’adaptation moderne, je le trouve bien mais j’accroche juste pas qu’il est fait les deux protagonistes demi frère et sœur ^^ Et la fin est changé, c’est pas mal !

  2. NyrA dit :

    Je suis bien sûr d’accord avec toi ! Que j’aime ce livre… Peut-être le mieux écrit de tous ceux que j’ai lus. Avec l’habitude, on trouve cette lecture plus aisée que d’autres, malgré que le livre date du XVIIIème (la période de la Régence a en effet été très « libre »). Les mots sont tellement parfaits. J’avais le cœur déchiré par la lettre « Ce n’est pas ma faute » (qui rend mille fois mieux que dans le film, même s’il n’est pas mal du tout). Bref, je ne m’étends pas. Je suis simplement heureuse que tu aies aimé !

  3. Tom Chtimi dit :

    Et bien moi j’ai quand même bien mieux apprécié le remake des inconnus : Les liaisons vachement dangereuses !

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une petite bafouille !