Manannan Editions, 14,90€, 400 pages
4ème de couverture
1845.
Touchée par une famine épouvantable et des tensions fratricides, l’Irlande abandonne son âme épuisée à la promesse d’une nouvelle légende. Mais est-il encore un Devin ou quelques dieux anciens pour consacrer la naissance d’Aenghus Cork sous ce dolmen sacré et révéler son ineffable destinée ?
Véritable saga qui le mènera de Cork à la terrifiante réalité des bagnes australiens, en passant par la prometteuse Amérique, le jeune Aenghus apprendra l’âpreté du monde à la découverte d’un idéal qu’il semble incarner à la perfection: un humanisme qui défie tous les rêves de ces temps troublés.
Face aux tragédies de son époque, il ne lui reste que son courage, le soutien de quelques proches et l’Amour. Un amour par delà le Temps qui lui révèlera bien plus que tout ce qu’il ne pouvait imaginer et s’imposera comme une révélation à tous les protagonistes de cette fascinante épopée… «
Lughnasadh est le premier roman de Pat Mc Murphy. Il signe sur ce coup d’essai une oeuvre remarquable.
Résumé
Aenghus a 10 ans. Sa mère l’amène chez Cogan qui vit en ermite au Conrrag. Il est temps pour Aenghus de découvrir d’où il vient. Cogan l’emmène dans les montagnes, c’est l’occasion de raconter au garçon l’histoire de son père Aenghus Cork. Un enfant particulier confié à ses soins et ses connaissance druidiques, pour le former jusqu’à son Initiation. Car Aenghus Cork a une destinée à accomplir quelque soit les obstacles qui se dresseront peut-être devant lui…
Mon avis
UNE MERVEILLE ! Un énorme coup de coeur !
Lu en lecture commune avec ma Cassiopée, vous pouvez retrouver son avis >ici<
Le lecteur découvre donc très vite Aenghus Cork, un enfant confié par Deirdre (personnage de la mythologie celtique) à Cogan pour que celui-ci l’élève et lui inculque l’amour de son pays, de ses légendes, et le prépara à son Initiation. Qui de mieux pour cela qu’un druide. C’est à Lughnasadh des années après, que nous retrouvons Aenghus, à la croisée de sa destinée. Il rencontre par hasard une belle lavandière un jour de méditation dans la forêt. Intrigué par les hommes et par le fait que Cogan l’élève à l’écart de tout, il décide de découvrir leur « monde » et de voir par lui-même comment ils vivent. Il se rend alors au marché, là où les paysans recrutent leur main d’oeuvre. Malgré son manque d’expérience, Daniel O’Grady accepte de l’embaucher pour l’aide aux champs de pomme de terre. Aenghus découvre que toute la vie de la maisonnée tourne autour du tubercule. Et il a la chance d’y retrouver la jolie lavandière : Fiona. C’est le départ pour Aenghus de la découverte des hommes, des troubles qui surviendront dans cette Irlande du 19ème siècle.
Lughnasadh est un récit multiple, on y découvre l’Irlande du 19ème, la culture de la pomme de terre, la vie paysanne rude et simple mais fière et honnête. L’opposition entre l’Irlande et l’Angleterre qui administre l’île, s’octroie les richesses, et laisse au peuple irlandais les restes. Avec Aenghus, le lecteur s’initie à l’écoute de la nature, des traditions celtiques, les connaissances druidiques et découvre via ses rencontres les convictions des catholiques irlandais, leur croyance en Dieu, la révolte sous jacente d’un peuple dont certains ne reconnaissent pas l’autorité anglaise. Mais tout cela n’est que le début du chemin initiatique d’Aenghus. Tout va commencer avec la grande famine et les événements conduiront le jeune irlandais jusqu’en Australie…
Aenghus a été élevé par un druide, il est proche de la nature et sensible à des choses qu’il est le seul à voir. Il a une destinée, liée aux Dieux. Il semble qu’il doive retrouver la trace de l’esprit de du dieu Lugh. Symboliquement, tout se passe lors de la grande famine qui toucha l’Irlande. Lugh s’étant égaré, la terre ne réagi plus comme elle le devrait. Coïncidence ou croyance celtique ? Aenghus, cette nature sensible qui semble être au dessus de toute considération humaine, va découvrir l’injustice, les politiciens véreux, la justice aveugle, une Angleterre souveraine qui manque de compassion. Sur son chemin, il verra la misère, la mort, les troubles et vivra même l’exil. Le lecteur ne pourra pas lui non plus rester insensible à ce qui se passe en Irlande et ressentira lui aussi ce sentiment d’injustice pour le peuples irlandais et pour ce que vivra Aenghus.
Au court, de son périple, Aenghus sentira la présence de Dreidre, cette fée qui semble désirer quelque chose et qui a besoin d’Aenghus pour y parvenir. Il sera victime de ses charmes, de ses desseins et de sa jalousie. Aenghus est-il maitre de son destin ? ou un jouet dans les mains d’autres ? Il vivra tellement de choses, devra surmonter des obstacles, vivre l’enfer pour découvrir sa destinée, ce pourquoi il a été engendré. Nous sommes en empathie avec lui et on voudrait tellement que les choses changent mais le destin doit s’accomplir et les épreuves être passées. Elles sont nécessaires et on apprend pourquoi.
L’auteur n’épargne pas au lecteur la cruauté de la vie. On ressent l’émerveillement de la nature. Mais aussi la puanteur de la mort. La confrontation entre l’espoir et l’horreur. Le récit mêle légende et réalité, malheur et beauté. On voyage avec Aenghus et on continue d’apprendre et de découvrir à la fois l’horreur du monde, le bagne, la misère, le rejet et l’espoir, le destin. Même à ce stade de son parcourt initiatique, on sent qu’Aenghus a un lien puissant avec la nature et son environnement. Il se dégage de lui une assurance, une force qu’il ne voit pourtant pas. Il est comme en dehors du monde en étant pourtant un humaniste. Et bien souvent, il a du mal à comprendre le comportement des gens leurs vices, leurs défauts mais il voit leurs faiblesses, leurs désœuvrements. Leur désespoir ou leur espoir. Il essaie toujours quelque part de faire quelque chose. Aenghus est un personnage incroyable que j’ai adoré suivre. J’ai eu beaucoup de mal à le quitter. Surtout avec cette fin….
Dans Lughnsadh, on apprend beaucoup de choses, l’histoire de l’Irlande, les Dieux et leurs particularités, tout cela prend vie sous la plume de Pat McMurphy. Des légendes et des mystères dont Lugh, Deirdre, Mannanan Mac Lyr, … Parfois, un peu confus dans ce que sera la finalité du récit, tout s’éclaire progressivement et la fin est magistrale. A la fin de cette histoire extraordinaire, je me suis aperçue que des détails sont donnés sans s’en rendre compte, ce qui montre tout le travail de l’auteur. Luhgnasadh est un récit prenant et vivant. L’écriture est délicate et belle. On sent la passion de Pat McMurphy pour l’Irlande, les mythes, les mystères, pour la mer aussi. J’ai vraiment adoré cette lecture dense et riche sur des sujets merveilleux, variés, durs, passionnés. Pat McMurphy a un véritable talent de conteur, je fus tenue en haleine jusqu’au bout. Et conquise par l’histoire, les personnages, les ambiances.
Il y aura un autre livre, une suite, bien que Lughnasadh se suffit amplement à lui-même, que j’attends avec impatience pour replonger dans l’univers et être charmée de nouveau par la plume de l’auteur !
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