Chat quantique et Picon bière de Gilles Warembourg

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Edition Le Riffle, collection Riffle nord, 7,5€, 241 pages

4ème de couverture

Arthur, l’éditeur de Roger, est contrarier: non seulement son auteur désargenté ne lui a pas fourni de texte, mais il a en plus l’audace de lui demander une avance !
Angelo, propriétaire de souche italienne, est venu encaisser les loyers en souffrance de Roger et le menace d’expulsion.
Il ne reste plus alors à Roger qu’à aller chercher l’inspiration ou noyer son infortune dans un pub de Lille, le Penny Lane. Il y rencontre un amateur de Picon bière qui lui soumet un récit susceptible de faire un bon roman.
L’histoire mêle alors le tragique et le burlesque, le prosaïsme et les univers virtuels, les nombres premiers et la mécanique des particules, le Picon et la bière…  

Résumé

Roger est réveillé de bon matin par Angelo, son propriétaire italien, venant lui réclamé les mois de loyer non payés avec intérêt, sans quoi c’est l’expulsion ! Roger est auteur et n’a pas vraiment de piste pour son prochain roman, il a bien commencé quelque chose mais ça ne lui convient pas du tout. Hors de question qu’il se trouve dehors. Il lui faut absolument toucher ses droits d’auteur. Mais devant le montant ridicule de ses derniers, il se voit contraint de demander une avance à son éditeur. Mais celui ci n’est pas facile à convaincre. Arthur veut du solide ! Roger décide alors de sortir cherche l’inspiration au pub Le Penny Lane. Là, il va faire la rencontre d’un étrange personnage, lui promettant un sujet en or pour son prochain roman entre deux consommations de  Picon bière et discours sur la mécanique quantique…

Mon avis

Un roman surprenant !

J’ai choisi ce roman au salon de Bondues, parce que je voulais découvrir la maison d’édition Le Riffle, situé à Roubaix et pour sa couverture et son résumé. Je ne regrette pas de mettre arrêtée sur ce roman noir tout à fait surprenant !

Le lecteur découvre le personnage principal, Roger, auteur de roman noir, au saut du lit. Lui qui vit seul dans un petit appartement avec son chat, est réveillé par son propriétaire, exaspéré de devoir se rendre chez lui pour lui réclamer les loyers non perçus. En plus l’appartement est dans un état ! On sent bien que Roger se laisse débordé par sa vie assez morose mais surtout il est en manque d’inspiration. Quelle idée choisir pour le roman que lui demande son éditeur ? …

Roger est un personnage un peu atypique, qui saura toucher le lecteur, parce qu’on peut se retrouver de temps en temps en lui. Un peu loser mais pas seulement. Il se rend au pub Le Penny Lane. Sous fond de musique des Beatles et de Lennon, Roger rejoint Jean-Jacques et Marcel, deux habitués du pub. Il leur expose son problème pour trouver un sujet intéressant pour son prochain roman. Ses compagnons lui proposent de s’inspirer des faits divers, il y en a à la pelle, il y aura bien un sujet pour Roger ! Pendant que ses comparses feuillettent l’édition du jour, Roger s’aperçoit qu’ils sont écoutés par un client étrange qu’il n’avait jamais vu au pub auparavant. Ce dernier vient finalement se joindre à leur conversation et pour le moins qu’on, puisse dire, c’est que cet homme, Victor, est assez calé dans un domaine qui laisse les 3 acolytes perplexes  : la mécanique quantique.

Au premier abord, j’ai été déroutée par Victor et ce qu’il raconte aux 3 camarades. Physique quantique, courants de pensées, chat de Schrödinger, … Un discours scientifique, des idées complexes, le lecteur doit s’accrocher pour comprendre. Comme Roger d’ailleurs. Le lecteur peut être un peu perdu, dérouté, par le discours de Victor, par sa façon de parler, toute en dérision et sérieux mélangés. Il faut passer outre, comme Roger, d’ailleurs, car Victor nous l’assure, il a une histoire incroyable à raconter, à transmettre, qui pourra faire un excellent roman noir pour Roger. Alors oui on s’accroche et on est entrainé, accroché comme Roger, agacé parfois, comme Roger, quand le discours de Victor digresse et s’éternise sur des détails que l’on ne comprend pas bien.

Vous l’aurez compris, on a souvent l’impression de se retrouver en Roger. Le roman est basé sur les mises en abyme et à plusieurs niveaux. Roger nous fait découvrir la création d’un roman, ses recherches, ses réflexions sur les attentes d’un éditeur, puis sur celles d’un lectorat de plus en plus exigeant. Et il nous retranscrit également le récit de Victor, en étant lui-même en position de lecteur exigeant. Et nous, le roman à la main ? Nous sommes en position de lecteurs exigeants ! De quoi vous retourner la tête non ?

Chat quantique et Picon bière est une lecture originale et intéressante. Les mises en abyme, sur plusieurs niveaux, donnent du relief au roman. L’intrigue est bien menée, et le lecteur se laisse prendre au jeu. Oui, nous voulons savoir cette histoire que Victor a à  raconter et en quoi elle est si incroyable.  Au départ, on ne sait pas où Gilles Warembourg va nous amener, on passe d’interrogations en surprises. Puis en rebondissements, et enfin, la révélation finale inattendue. Personnellement, cette fin m’a scotchée et a fait pencher la balance de « c’est pas mal » à « j’ai beaucoup apprécié » !

Le style de l’auteur s’adapte à chacun de ses personnages, Roger et Victor bien sur, si différents. L’un qui nous semble transparent, et l’autre mystérieux, ont tous les deux une façon de s’exprimer différente, des attitudes différentes, les passages écrits sont donc différents. C’est donc tantôt dynamique, tantôt plus lent selon qui s’exprime et sur quel sujet. Ajouter que le livre cumule les indices très bien cachés, que l’histoire racontée par Victor est émaillée d’extraits de courriers, de blog, de tableaux,… Nous pouvons nous même remonter le fil de l’intrigue, « jouer les enquêteurs ». Cela donne à Chat quantique et Picon bière, une construction originale. Il faut dépasser certaines réticences à voir régulièrement revenir certains notions scientifiques (bien qu’elles donnent vraiment à l’œuvre son côté atypique et original), car au final, les éléments et les événements nous éclairent sur ces notions et nous en comprenons assez pour ne pas passer à côté du roman.

240 pages mais 240 pages très riches, une lecture agréable et surprenante, un récit ambigu, des univers intéressants à traverser (le monde de l’édition et la création d’un roman, les mondes virtuels sur le net, la complexité des relations entre jumeaux, etc.), des références musicales, des réflexions sur la vie, l’écriture,….
J’ai apprécie que l’action se passe à Lille et de retrouver des lieux, des noms de rue connus, surtout que l’appartement de Roger n’était pas bien loin de là où je vivais avant !

Le lecteur est longtemps hanté par la question « qui est Victor », ce type louche, sans âge, maladif, amateur de Picon bière, mais si perspicace et intelligent, et il trouvera bien sur la réponse dans ce roman.

J’aurai peut-être l’occasion de rencontrer un jour M. Warembourg, j’aimerai lui poser une question, « êtes-vous si éloigné de Roger ? »